Intelligence artificielle et emplois de demain

 

En octobre dernier,  au Lycée Français de New York,  à l’occasion d’un panel sur le thème «Intelligence artificielle et emplois de demain»  animé par notre Centre culturel, nous avons eu la chance d’accueillir dans nos murs, un véritable ROBOT, un humanoïde doté de fonctions de mémoire et de langage,  et un panel de conférenciers de grande qualité.

De nombreux aspects de notre vie sont déjà dominés par l’intelligence artificielle, comme ils le sont aussi par la robotique ou l’automatisation. Ainsi certaines entreprises de recyclage utilisent maintenant des robots pour trier les déchets (un travail que la plupart des hommes préfèrent ne pas faire). La prise en charge de ce type «d’intelligence» permet aux humains de se consacrer à des tåches plus réflexives en s’attelant par exemple à la résolution des problèmes dans des situations où la complexité est la norme.

L’un de nos panélistes, le neuroscientifique de renom Dr Rafael Yuste de l’Université de Columbia, a souligné le fait que nous n’avons pas de définition scientifique claire ni d’explication de l’intelligence “humaine”. Parler d’ intelligence “artificielle” peut alors apparaître comme un terme mal choisi. Il serait peut-être plus exact de parler d’intelligence “automatisée” ou d’intelligence “algorithmique”. Ce que nous savons avec certitude, c’est que cette nouvelle voie remplace l’être humain dans des domaines tels que la collecte ou le traitement de données et la diffusion extrêmement rapide d’informations. Les algorithmes sont aujourd’hui responsables de nombreux aspects de la prise de décision (petits, grands, conscients et inconscients) dans nos vies et nos emplois au quotidien.

L’intelligence artificielle façonne également nos habitudes de consommation. Ceux qui ont déjà acheté quelque chose en ligne le savent:  un flot quotidien d’offres liées de près ou de loin à ce geste de consommation peut commencer à affluer dans votre boîte de réception si vous ne les bloquez pas. Les plates-formes de médias sociaux telles que Facebook nous présentent les informations que nous sommes sensés vouloir (et nous savons maintenant qu’une telle décision de programmation informatisée a pour effet de faire taire les communautés et même d’influencer des élections démocratiques). En bref: l’intelligence artificielle est un outil puissant, capable de faire des choses étonnantes. Toutefois, dans un monde qui regorge de données, nous devons faire preuve de sagesse et de créativité pour faire face aux défis posés par l’utilisation de ces informations.

En tant qu’éducateurs, nous préparons les élèves à l’avenir et notamment à évoluer dans un monde où la technologie jouera un rôle important qui sera en constante évolution. C’est pour cela que nous avons invité le robot BINA48 et son reponsable Bruce Duncan de la Fondation Terasem Movement à venir au Lycée pour échanger avec les élèves, les parents et les enseignants. Notre objectif est de donner à nos élèves les outils dont ils auront besoin pour devenir des citoyens éclairés demain qui sauront utiliser les informations avec mesure et dans le respect de l’éthique. Nous y parviendrons en favorisant—en plus des cours de technologie- la pensée philosophique, l’empathie et la curiosité.

Bien que nos programmes d’informatique et de technologie soient robustes, il est également important de noter notre emphase pédagogique sur la citoyenneté numérique. Alors que nos étudiants les plus avancés explorent des domaines tels que le développement de jeux, la cryptographie, Javascript, l’écriture des algorithmes, la technologie persuasive, la conception CAO, la narration multimédia, et même la réalité virtuelle, nous devons également les inciter à creuser plus profondément. L’équilibre est ce qui est important. Ainsi, en septembre dernier, nous avons inauguré un cours facultatif d’introduction à l’intelligence artificielle en Troisième, co-dirigé par le professeur d’informatique formé aux États-Unis et le professeur de philosophie formé en France. Pendant ce cours qui dure un semestre les élèves sont initiés aux bases de l’IA et de la robotique, avec—ce qui me paraît important—une étude des implications éthiques de l’IA sur la vie humaine.

En tant que chef d’établissement, je crois profondément que l’intelligence artificielle ne pourra pas remplacer la créativité ou la compassion chez nos enfants. Brigette Hyacinth, experte en leadership et en gestion, a renforcé ma conviction lors de ce panel. Elle a parlé avec éloquence de l’importance croissante, dans le domaine professionnel, des compétences “humaines”, telles que la recherche créative et l’intelligence émotionnelle.  Il est clair que l’école continuera à jouer un rôle important dans la société en encourageant ces compétences.

Après avoir été témoin des discussions animées suscitées par la visite de BINA48 au Lycée notamment chez les élèves du club d’épistémologie, je suis plus convaincue que jamais que dans les lieux d’enseignement il faut savoir équilibrer l’enseignement de l’innovation technologique en mettant l’accent sur l’éthique à travers l’enseignement des sciences humaines, de la science, de la littérature, de la philosophie et des arts. Les éducateurs doivent développer chez les jeunes la créativité dans la résolution des problèmes – les encourager à prendre des décisions basées sur la morale, notamment dans les domaines qui contribuent à la protection de notre monde et de notre humanité. Nous devons exposer nos élèves à des études de cas où l’utilisation des données peut être faite de façon responsable ou au contraire irresponsable, pour qu’ils comprennent à quel point le discernement est important. Ainsi nos élèves seront des êtres équilibrés, préparés aux emplois de demain lorsqu’ils feront leur entrée dans le monde.

Regardez le panel entier ici:


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