Éduquer pour lutter contre les préjugés

 

L’exigence d’une éducation à la tolérance et à la collaboration est désormais incontournable. Car pour l’École, la difficulté ne consiste pas tant à enseigner les principes humanistes qu’à les faire vivre par les élèves. Mais comment faire ?

En effet, les terribles événements de ces dernières semaines, à Charlottesville, à Barcelone, en Birmanie et ailleurs nous rappellent qu’en tant qu’éducateurs nous avons des devoirs et des responsabilités vis à vis des élèves (les protéger, les éduquer) mais aussi à l’égard de notre société (l’améliorer, l ‘humaniser) car je suis persuadée qu’une éducation à la différence et à la tolérance peut et doit être une arme puissante pour lutter contre l’obscurantisme sous toutes ces formes.

Selon un rapport produit par le FBI,  il y aurait eu aux USA en 2015,  5850 crimes liés à des préjugés (“bias-related crimes”).

Ces crimes sont souvent la conséquence d’une carence d’éducation et d’exposition à des personnes différentes de soi. Pour cette raison, mettre en place des programmes qui permettent aux élèves d’établir et de gérer des relations avec des personnes différentes les aident tôt dans la vie à apprécier la diversité et à maintenir des relations sociales équilibrées et sereines.

Day of Understanding 2016-2017

Les enfants ont  très tôt conscience des différences. Dès l’âge de 12 ans, ils auront déjà formé des stéréotypes.

En fait, de récentes études montrent que l’éducation à la tolérance est la plus efficace entre 4 et 9 ans, pendant les premières années de scolarisation à l’école primaire.

Il est donc crucial d’inclure cet enseignement dans les programmes scolaires, de l’introduire dès le plus jeune âge et de continuer à le développer tout au long de la scolarité des élèves. Bien sûr, le programme et les méthodes employés doivent correspondre à l’âge des élèves et à leurs compétences cognitives, sociales et émotionnelles et on interviendra différemment selon que l’on s’adresse à un élève de Grande section ou à un adolescent de troisième.

Quelles pratiques pédagogiques sont les plus adaptées pour  lutter contre les pesanteurs sociales et instaurer le vivre-ensemble ?

Les apprentissages sociaux et émotionnels, ou plus précisément ce que communément nous appelons l’intelligence émotionnelle passe par le développement de ces compétences sociales liées à la diversité. Elle repose sur cette flexibilité intellectuelle et cette fluence culturelle.

Cette pédagogie est essentielle pour éduquer des citoyens fiers de leurs identités individuelles mais capables d’empathie et de compassion, des citoyens avides de justice qui lutteront pour une société dans laquelle les préjudices et les stéréotypes n’ont pas leur place, des citoyens du monde, éclairés, accomplis et positifs.

Au Lycée, notre Mission nous engage explicitement dans ce type d’éducation, une éducation ouverte sur l’acceptation de la différence, une éducation tournée vers le “vivre-ensemble”. Dans cette perspective,  nous avons développé un programme adapté, dédié à cet enseignement. Car, même si nos élèves du fait de  la diversité de leurs origines sociales, religieuses et culturelles “vivent et respirent” la diversité, nous pensons que cet enseignement, pour être efficace doit être pensé, explicite, et systématique.  Notre programme d’éducation à la différence est lié à notre programme de SEL. Il a pour objectif d’enseigner à nos élèves conjointement l’appréciation de sa propre identité et celle de l’altérité dans la différence.

Apprendre à se connaître pour  accepter les autres

Avec l’introduction de notre méthode de Social and Emotional Learning RULER, dès la maternelle,  les enfants apprennent à reconnaître leurs sentiments et à les dire.

C’est la première étape d’une communication bienveillante qui apaise les tensions et libère des stéréotypes. C’est ce travail sur soi, au final, qui est la base du vivre-ensemble et permet le collectif.

Conjointement, avec  l’introduction de notre programme sur l’acceptation de la différence, les élèves apprennent à se placer dans un cadre social; ils prennent petit à petit conscience que pour coexister il faut savoir reconnaître et accepter les différences individuelles et la diversité culturelle.

Construire les règles avec les élèves (et les familles)

C’est un des outils de notre méthode avec la construction collective de la charte de classe qui permet aux élèves d’établir les règles selon lesquelles ils ont décidé de vivre ensemble. C’est aussi un des apports les plus théorisés du mouvement Freinet avec le conseil de la classe où chaque semaine les enfants peuvent proposer, désirer, féliciter ou signaler un problème. Les enfants apprennent ainsi à construire la loi c’est à dire qu’ils vivent au quotidien les compromis de la démocratie.

Être activement engagé dans son éducation avec la pédagogie de projet

Au Lycée, nous croyons en la pédagogie de projet qui représente pour nous un enseignement libérateur, un enseignement qui permet aux élèves de prendre conscience des grands challenges du 21e siècle: de nos besoins sociétaux, environnementaux et qui les  autorise à croire véritablement en leur capacité à agir sur le monde qui les entoure.

Nous reconnaissons que cet enseignement est complexe et délicat et que certains obstacles sont présents: l’intolérance est partout autour de nous et il est difficile de contrôler que ce qui sera  appris dans la classe ne sera pas “désappris” hors de l’école..

Pour cette raison cette éducation demande une implication active des familles et elle doit être soutenue et renforcée par les parents.

Il faut donc d’une part former et préparer les professeurs à ces outils et cet enseignement mais aussi leur donner ainsi qu’aux familles les ressources nécessaires pour éduquer les enfants: les exposer à des modèles et des valeurs humanistes, répondre à leurs questions, les rassurer et leur donner les outils pour faire face à l’intolérance et au préjudice.

Les ressources dans ce domaines sont nombreuses et j’ai sélectionné quelques exemples ci-après:

Le Morningside Center, avec lequel nous travaillons au Secondaire pour construire et soutenir notre programme de professeurs référents, propose notamment:

Un récent article du Washington Post réunit également une liste de ressources exploitables en classe et une page de CNN offre des conseils pour discuter de crimes de haine avec les enfants.

Je suis certaine que nous pouvons tous agir pour un monde meilleur et je conclurai en citant Maya Angelou et en traduisant -sûrement imparfaitement- ses sages paroles:

“L’Histoire, malgré ses atrocités, ne peut pas être effacée, mais si nous affrontons celle-ci avec courage elle ne se reproduira pas” (“History, despite its wrenching pain, cannot be unlived, but if faced with courage, need not be lived again.” – Maya Angelou).


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