Rendre hommage à Notre Dame

 

De nombreux membres de notre communauté ont ressenti une vive émotion devant les images de Notre-Dame de Paris. Comme vous, j’étais collée aux actualités ce lundi quand la nouvelle a éclaté que la cathédrale était en feu.

La première fois que j’ai vu Notre-Dame, j’avais 16 ans. Je visitais Paris avec une amie très proche – nous étions toutes deux des étudiantes férues d’histoire de l’art et d’architecture. Passer les portes voûtées du bâtiment a fait surgir toute l’histoire de la ville dans nos imaginaires. Un véritable moment spirituel. Quelles que soient les croyances de chacun, toucher les murs de pierre de cette cathédrale gothique vieille de 830 ans et se tenir sous sa douce lumière tamisée pas ses vitraux roses est quelque chose d’absolument merveilleux.

Depuis, Notre-Dame est devenue pour moi synonyme d’espoir, une flamme qui m’aide à me sentir chez moi à Paris chaque fois que j’y reviens. Les nombreuses années que ma famille a passé à Paris, je lui ai souvent rendu visite. J’y ai emmené mes enfants, mes neveux et mes nièces, et j’ai écouté des collègues me dire la sérénité qui se dégage du tintement de ses cloches et comme celles-ci peuvent offrir un réconfort dans les moments difficiles.

Je suis également fascinée par la manière dont la cathédrale entre en connexion avec de nombreux secteurs en matière d’éducation : Notre-Dame de Paris (The Hunchback of Notre Dame), de Victor Hugo, pour les étudiants en littérature, mais aussi ses contreforts et ses ogives pour les étudiants d’architecture, et l’incroyable orgue et ses 7 800 tuyaux pour les mélomanes. La liste est longue.

Ici, au Lycée, chaque année, les élèves de CM1 découvrent Notre-Dame en étudiant le Moyen-Âge. Dans le cadre de leurs cursus artistiques, ils s’intéressent à ses gargouilles et à ses vitraux, qui permettent de mieux comprendre la géométrie, la symétrie et la lumière. Les élèves de 5e analysent l’utilisation innovante des arcs-boutants et discutent du rôle de Notre-Dame dans la démocratie et les droits civiques, notamment à travers les différentes époques de l’Histoire de France.

De son côté, le club de traduction du Lycée vient tout juste de travailler sur des extraits de Notre-Dame de Paris:

« Le sourd s’était accoudé sur la balustrade à la place où était l’archidiacre le moment d’auparavant, et là, ne détachant pas son regard du seul objet qu’il y eût pour lui au monde en ce moment, il était immobile et muet comme un homme foudroyé, et un long ruisseau de pleurs coulait en silence de cet œil qui jusqu’alors n’avait encore versé qu’une seule larme. »

“The deaf hunchback leaned upon the balustrade at the place where the archdeacon had been the moment before, and there, without detaching his gaze from the only object in the world that existed for him in that moment, he was immobile and mute like a man struck by lightning, and a long stream of tears flowed in silence from that eye that until now had never shed a single tear.”

Ces opportunités d’apprentissage pour nos élèves éclairent à mes yeux nombre d’aspects de notre communauté, et pourquoi Notre-Dame signifie autant pour beaucoup d’entre nous. N’oublions pas que l’édifice a été pillé sous la révolution française, et fortifié au XIXe siècle par Eugène Viollet-le-Duc. Sa structure a survécu aux bombardements de la Première guerre mondiale, et ses cloches ont résonné le 24 août 1944, quand Paris a été libéré du joug nazi. L’histoire de Notre Dame de Paris est aussi notre histoire : cosmopolite, à l’image du monde.

À l’heure actuelle, 12 millions de personnes venues du monde entier la visitent chaque année –preuve qu’en tant que monument historique et culturel, son importance transcende les nationalités ou les religions. La cathédrale est un symbole de paix et d’harmonie, elle incarne la France et Paris. Tout comme la ville-lumière, elle est un lieu de rencontre entre les cultures. Soit précisément les valeurs du Lycée.

Hannah Arendt a écrit dans Condition de l’Homme moderne que le sens d’une époque émane des actes rares et exemplaires qui la définissent. C’est pour cette même raison que j’ai été si émue quand j’ai vu le courage et la rapidité avec lesquels les pompiers de Paris ont travaillé pour sauver la structure et les œuvres d’art de Notre-Dame. Je suis ravie de savoir que les fonds collectés par les donateurs vont permettre de réunir pour sa reconstruction les artistes et restaurateurs les plus talentueux, mais aussi d’investir dans la formation d’une nouvelle génération d’artisans. Ces mêmes compagnons auront à leur tour les ressources pour former un plus grand nombre d’universitaires et d’artisans pas seulement en France, mais partout dans le monde. Peut-être que ces formations serviront à garantir que le patrimoine de toutes les communautés de la planète soit préservé et protégé au titre de notre héritage commun.

Réjouissons-nous du caractère incroyable de voir notre communauté mondiale unie dans la résilience, la collaboration et la compréhension – ces frontières nationales transcendées afin de protéger ce qui est bon et beau.

La Directrice du centre culturel Pascale Richard nous rappelle dans ses récentes publications sur les réseaux sociaux qu’il existe un poème de l’écrivain romantique français Gérard de Nerval qui fait d’ailleurs parfaitement écho à cet état d’esprit :

Notre-Dame est bien vieille : on la verra peut-être
Enterrer cependant Paris qu’elle a vu naître.


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