En 2010, alors que la génération Alpha est encore au stade embryonnaire, Docteur Peter Gray, auteur du livre Libre pour apprendre (Free to Learn), écrit sur des recherches suggérant l’existence d’un lien fort entre le bonheur et la capacité d’un enfant à passer du temps en autonomie dans un mode de découverte.
Docteur Gray associe ces constatations à certains besoins fondamentaux :
- le besoin de jeu libre
- le besoin de développer des objectifs et valeurs intrinsèques
- et le besoin de ressentir un contrôle intrinsèque sur leur destin
« Les valeurs intrinsèques, la maîtrise de soi et le bien-être émotionnel », a-t-il constaté, ont été développés par « la liberté, le jeu et l’exploration autonome ».
Un projet était également en gestation en 2010 : Instagram, l’une des grandes plateformes de partage de cette décennie et une des machines de distraction les plus efficaces.
Désormais, alors que bon nombre d’entre nous font le bilan de notre relation avec l’économie de l’attention, nous examinons également ses effets sur nos choix et sur les relations de nos enfants avec les médias, l’image de soi, le flux d’informations et la plus évasive de toutes les ressources : le temps.
Où passe donc le temps ? Comment l’utilisons-nous ? En quoi sommes-nous affectés par notre façon de l’utiliser ? Lorsque nous nous trouvons dans un espace d’investigation créative non sollicité et ininterrompu, la magie opère. Nous surmontons le syndrome de la page blanche. Nous trouvons une nouvelle approche. Nous gérons les déceptions ou les pertes. Et la clé pour y accéder, comme l’écrit l’artiste peintre Chati Coronel, est de « gérer notre temps ».
Lorsque la FDA (Food and Drug Administration) a publié un graphique mis à jour pour informer sur les nutriments, le psychologue et auteur Dan Siegel a élaboré une réponse au besoin de nutrition mentale. Le graphique qu’il a inventé, Healthy Mind Platter, nous rappelle comment notre temps passé dans la nature, à créer, lire, écrire, discuter avec un ami ou lancer un frisbee, agit comme des nutriments, contribuant d’une manière ou d’une autre, à l’équilibre de nos esprits.
Tout comme une alimentation équilibrée nourrit notre corps, notre capacité à rester résilient mentalement et émotionnellement dépend de notre capacité à protéger, préserver et favoriser un équilibre dans notre charge mentale. Selon Siegel, cela se traduit par un bon équilibre entre les différentes activités et le temps consacré à chacune.
Certaines sont bien connues : on sait depuis longtemps que l’activité physique, le sommeil, les temps de repos et les contacts humains directs favorisent le bien-être émotionnel et la résilience mentale. Mais aujourd’hui, plus que jamais, la concentration intentionnelle, la réflexion intérieure et le jeu sont non seulement plus difficiles à atteindre, mais nécessitent également plus d’efforts pour parvenir à développer et protéger les vertus essentielles dont le docteur Gray parle, à savoir : la concentration autonome, les valeurs personnelles et la liberté personnelle.
Concentration. Notre attention est soumise à des exigences contradictoires, nous devons déployer des efforts constants et continus pour favoriser et préserver une concentration maximale. Ce sont les moments précieux dans lesquels nous pouvons entrer dans un état de flow (appelé également zone) et être entièrement plongés dans ce que nous faisons, ou, comme Derrick Gay l’a récemment formulé, dans lesquels nous pouvons « apprécier le travail accompli ». Le blogueur Nerdwriter a réalisé une vidéo de qualité sur l’importance de l’état de flow (ou de zone).
Réflexion intérieure. Nous avons besoin de moments de conscience personnelle, ce que Siegel appelle « Time In » (Réflexion intérieure), passés à développer la proprioception et à explorer notre paysage intérieur, que ce soit en réalisant une activité de création, en écoutant de la musique, ou comme le disent certains éducateurs de pleine conscience, « en étant à l’écoute de notre écoute ». Alors, notre cortex préfrontal se développe. Notre observateur intérieur regarde et écoute, et nous avons la possibilité de commencer à apprivoiser notre pensée.
Jeu. Il peut être difficile en tant que parents d’abandonner nos responsabilités et de nous perdre dans l’instant, mais même quelques minutes peuvent être bénéfiques, au-delà de l’attention et du lien que cela offre à nos enfants. Le jeu peut simplement consister à se laisser aller à son imagination, inventer une histoire, construire ensemble ou de jouer aux marionnettes avec deux peluches. Laisser nos enfants prendre les devants leur montre que nous apprécions également leur temps de jeu.
Temps de repos et sommeil. Jessica Lahey, auteure du livre The Gift of Failure, nous rappelle l’importance d’adopter nous-mêmes les habitudes que nous souhaitons que nos enfants adoptent. « Montrez aux enfants que le sommeil est important pour vous », propose Lahey, dans son excellent Smarter Living Guide on Helping Kids Succeed at School. « Laissez la maison devenir silencieuse une heure avant de se coucher, rangez vos appareils technologiques, sortez un livre et observez vous-même de bonnes habitudes de sommeil. »
Lahey indique également qu’au lieu de tout reprocher à la technologie, nous devons planifier son utilisation, prévoir une durée d’utilisation, poser des limites claires et une durée réfléchie. Nous vous partagerons davantage d’informations à ce sujet prochainement.
Si le bonheur de nos enfants dépend de la motivation intrinsèque, puisque de plus en plus, leur attention est dirigée vers des pressions sociales extrinsèques, il devient indispensable de rediriger l’attention vers eux-mêmes.
Établir le lien entre la façon dont nous choisissons de passer nos temps libres et la qualité de notre expérience peut nous aider à modéliser et à atteindre l’équilibre au moment où le passage inédit de l’interne à l’externe peut nous donner à tous l’impression d’être submergés ou d’avoir perdu le contrôle.
Comment encourager la réflexion intérieure, le temps de repos et la concentration à la maison ?
- Adopter nous-mêmes les comportements que nous souhaitons que nos enfants adoptent
- Laisser de la place et consacrer du temps à l’exploration et à la création
- Faire du temps de repos un rituel
- Accorder du temps aux technologies, mais s’assurer que leur utilisation est pertinente et poser des limites claires.
- Faire du contact humain un rituel.
Réfléchir ensemble aux éléments qui suscitent notre attention et reconnaître qu’il s’agit d’un travail en cours, pour les enfants comme pour les adultes, peut nous aider à construire et à préserver des esprits sains.
About the Author :
Jamie Laurens a rejoint le Lycée en 2007. Originaire de la région des Rocky Mountains, elle a commencé à travailler sur la question du bien-être des élèves en tant qu’étudiante à Carnegie Mellon University à Pittsburgh en Pennsylvanie, puis à Avignon en France, où elle a choisi de poursuivre une carrière dans l’éducation. Elle a commencé à enseigner à l’Idyllwild Arts Academy et à la Westridge School avant de venir au Lycée, où elle a enseigné l’anglais au niveau collège et lycée. Elle a aussi co-développé les programmes d’advisory et d’entreprenariat social. Jamie aime écrire, particulièrement de la poésie, et passer du temps en plein air.