Né au Maroc, élevé en France, Rachid Benzine est venu à l’Islam par le catholicisme avant d’écrire un livre avec une femme rabbin. Nul mieux que lui ne pouvait intervenir au Lycée Français de New York dans le cadre de nos journées de l’inter-compétence culturelle. C’est en effet à la suite de sa rencontre avec le Père Christian Delorme, le curé des Minguettes, que Rachid commence à s’intéresser au dialogue des religions, à se plonger dans les textes sources. De cette rencontre naîtra un livre au titre prometteur Nous avons tant de choses à nous dire. Passant des sciences humaines à la philosophie et à l’histoire, influencé par les plus grands de Jacques Derrida à Paul Ricœur, il aura notamment travaillé avec Bruno Etienne, le fondateur aujourd’hui disparu de l’Observatoire du religieux à Aix-en-Provence. Partisan d’un islam modéré, Rachid va enrichir sa réflexion de sa rencontre avec Delphine Horvilleur, l’une des rares femmes rabbin de France : à quatre mains et deux bréviaires, ils écriront Les 1001 façons d’être juif et musulman.
Au Lycée, Rachid Benzine est intervenu de deux façons différentes. Avec les élèves de Secondes il a accompagné la lecture à haute voix par quelques élèves de Lettre à Nour, un livre coup de poing dans lequel une jeune en fuite, convertie au djihad, écrit à son père.
« Comment as-tu pu partir ainsi sans rien me dire ? » s’interroge le père. Nour répond qu’elle remercie son père de lui avoir appris à pratiquer la prière ou le questionnement mais qu’« A cela je ne crois plus car il est temps d’agir. » Aux élèves, Rachid a expliqué comment, à la suite de l’attentat du Bataclan, il avait passé un an et demi à suivre des jeunes djihadistes en prison pour tenter de comprendre. « Il faut apprendre à écouter quitte à être perturbé par les réponses » a dit Rachid, ajoutant que ces jeunes marqués par les humiliations qu’on pût subir leurs parents, voulaient donner un sens à leur vie, et que cela passait parfois par se donner la mort. « J’ai rencontré beaucoup de Nour en prison » a-t-il dit. Citant Albert Camus, Rachid Benzine a posé la question : « Qu’est-ce qu’une révolte juste ? » Lui qui prône un islam modéré et reste favorable au retour des djihadistes en France “pour les accompagner” n’a pas toutes les réponses mais il a un message à partager : écouter, encore écouter pour essayer de comprendre, mettre le doute et l’incertitude au service de la tolérance.
Lettre à Nour , un prénom qui littéralement signifie « La Lumière de la Lune » est jouée dans les écoles un peu partout en France pour « mettre en scène » la souffrance , et apprendre à se créer ses propres images. Sans aucun doute les élèves de Secondes auront été inspirés par la très passionnante intervention de Rachid, préparée en amont par les professeurs de français et les advisors.
Dans l’après-midi avec les troisièmes, l’exercice fut différent et prit la forme d’un échange entre l’islamologue et deux étudiants français qui poursuivent leurs études rabbiniques à Riverdale, Emile et Myriam Ackermann, invités au Lycée. La présence de Myriam, première française juive orthodoxe qui 
pourrait devenir rabbin, a soulevé la curiosité des élèves. « Comment un rabbin peut-il porter du rouge à lèvres ?: C’est la question empreinte de misogynie que l’on me pose souvent” a dit Myriam qui milite avec son mari au sein du mouvement moderne orthodoxe qui cherche à intégrer les femmes. Pour la jeune femme, c’est la peur du fait religieux qui, en France notamment, conduit à l’incompréhension, à mettre « juifs et musulmans » dans le même bateau, à définir l’autre par sa religion. Ce dialogue, qui a eu lieu pendant 50 minutes avec une cinquantaine d’élèves et à deux reprises pour inclure tous les troisièmes dans le CDI était la preuve que le dialogue des religions est possible si l’on fait l’effort comme le font Rachid, Emile ou Myriam de laisser de coté les préjugés et d’aller vers l’autre.
Rachid Benzine vient de publier son premier roman “Ainsi parlait ma mère” ( LE SEUIL)
About the Author :
Pascale Richard a rejoint l’équipe du Lycée en tant que directrice du Centre Culturel en 2011. Son rôle est de faire découvrir le meilleur des cultures françaises et américaines, à travers des conférences, concerts et séances cinéma. A l’automne 2012, elle a lancé le programme d’artistes en résidence. Avant de travailler au Lycée, Pascale était vice-présidente des relations extérieures à la FIAF. Une ancienne journaliste spécialisée dans la mode et la culture, elle est diplômée de Sciences-po et de l’Ecole de Journalisme de New York University.