Les élèves de seconde ont eu le privilège de rencontrer l’auteur Gaël FAYE, récent vainqueur du Prix Littéraire du Lycée (2017) et du Prix Goncourt des Lycéens (2016), le vendredi 26 Octobre dans l’auditorium grâce au Centre Culturel.
En amont de cette rencontre, un travail de lecture du livre Petit Pays (2016) et de préparation a été effectué dans les classes par les professeurs de français (moi-même, avec M. Morival, Mme Roussel, Mme Sheehan et M. Soulat) et au CDI par les professeurs documentalistes (Mme Léger et Mme Stouff). Nos élèves ont exploré un des moyens d’expression privilégié par l’auteur qui est le slam. Cette forme poétique et musicale a été étudiée et pratiquée par nos élèves en guise d’introduction à l’œuvre de l’auteur. Ils ont pu explorer un des thèmes principaux du livre, le conflit ethnique au Rwanda afin de mieux comprendre la dynamique narrative voulue par l’auteur et de comprendre les choix d’écriture et l’élaboration du livre.
Lors de la rencontre, un panel d’élèves a pu poser les questions formulées par l’ensemble des classes de seconde. Cet échange était vraiment incroyable et Gaël FAYE a pris du temps pour répondre. Notamment, sa réponse concernant la création du personnage de Gabriel. Il a expliqué que ce personnage se nommait “Stéphane” au début et que l’histoire était rédigée à l’aide d’un narrateur externe. Mais, cela ne fonctionnait pas, ne résonnait pas pour lui. Donc, Gabriel (GA – bri – EL) est né et le narrateur est devenu interne. C’est toujours intéressant de comprendre le processus de création d’un livre et de voir le travail fourni pour en arriver là.
De même, Gaël FAYE nous a avoué qu’il ne pouvait pas écrire en écoutant de la musique mais qu’il était même allé jusqu’à louer un container dans une zone industrielle afin de s’enfermer, littéralement, pendant douze heures par jour dans son univers. Cette découverte du travail d’écriture est toujours l’aspect le plus fascinant car cela nous donne l’envers du décor et nous donne une autre perspective sur le texte littéraire, au-delà du livre, c’est le processus qui est dévoilé.
La question de l’aspect autobiographique ou disons plutôt des références à la vie réelle a été très drôle lorsque l’auteur nous a raconté sa conversation téléphonique avec ses parents après la publication du livre. Tous les deux ont appelé leur fils pour lui dire qu’ils ne se retrouvaient pas dans les personnages du père et de la mère. Réponse de l’auteur : « Relisez le livre … et ne m’appelez pas avant de l’avoir bien compris. » Éclat de rire général, et l’auteur de conclure : « Tout le monde a envie d’être un personnage de roman. » La simplicité de Gaël FAYE et son honnête a facilité l’échange et a permis aux élèves, et au public d’avoir des réponses complètes et vraies.
Dans la deuxième partie de l’intervention, les élèves volontaires ont participé à une masterclass qui leur a permis de poursuivre la découverte du slam et de pratiquer en compagnie de l’auteur lui-même. Encore une fois, un échange artistique riche, vivant et réussi. Tourné vers la musique et la musicalité de la langue, sous la forme d’une construction commune d’un texte la « classe » a dévoilé le talent de nos élèves avec un rap plein de courage d’un volontaire de première qui a posé son texte sur une mélodie improvisée par une autre élève et l’auteur. Un grand moment de fierté pour notre volontaire et pour nous. Cela résume, à mon sens, cette rencontre : simplicité, talent et maîtrise.
Voici les réflexions des étudiants:
Gaël Faye est un chanteur rappeur, interprète et écrivain, Franco Rwandais, qui est né au Burundi en 1982, ses oeuvres les plus célèbres comprennent outre “Petit Pays”, son roman, des chansons comme “Paris Métèque”, “Tôt le matin” et “Presque rien”. Gaël Faye est le lauréat de nombreux prix littéraires pour son roman Petit Pays dont le prix du premier roman français, le prix Goncourt des lycéens, et le prix littéraire du Lycée. Il visite de nombreuses écoles pour parler aux élèves de son roman, du slam et du rap. Pendant la conférence, quatre élèves ont posé, à tour de rôle, une question à Gaël Faye, puis des questions ont été posées par le public.
Rappeur ou slameur ?
Cette interview a commencé par une question de l’un des quatre panélistes : de quoi pensez-vous être le plus proche, slameur, rappeur, ou poète? “J’ai commencé à écrire des poèmes à treize ans. En seconde, quelques années plus tard, j’ai vu une affiche dans mon quartier pour un Atelier de rap pas loin de ma maison. Et c’est comme ça qu’au début, après avoir écrit beaucoup de poésie, j’ai transitionné au rap.”
Sur les différences entre rap et slam, Gaël Faye reste évasif : “Je ne sais pas ce qu’est un slam, ce n’est pas un genre musical,” dit-il après avoir réféchi une dizaine de secondes. Il ajoute : “Le slam, c’est un endroit où un texte est récité, et où un public écoute.” Pendant de nombreuses années, Gaël Faye a écrit du rap “pour échapper au monde extérieur”. “Le rap me donne un cadre, alors que, dans le roman, je me sens plus libre.”
“Ecrire, c’est comme un robinet qui coule”
En 2014, une éditrice française, dont le fils écoutait sa musique, est venue vers Faye pour lui demander s’il s’était déjà lancé dans l’écriture. Faye qui avait déjà beaucoup écrit, ou avait écrit le début de ses idées, lui envoya le début de son livre Petits Pays qui ne comportait alors qu’une petite quinzaine de pages. Elle l’adora et aida Faye à signer chez Grasset.
L’écriture du livre à succès Petit Pays a beaucoup intéressé les lycéens qui ont appris qu’il n’était pas un texte autobiographique mais un texte qui tire son histoire de l’expérience de Gaël. On peut comprendre la confusion puisque, lors de sa sortie, les membres de sa famille ont dû relire le livre pour ne pas dire “ah bah tiens, tu m’as fait comme ça” où bien “tu penses vraiment que je suis comme ça ?”.
L’un des principaux thème abordé fut la question de Gabi, le “héros” du livre. “Au début, il s’appelait “Stéphane”, mais ça ne marchait pas. J’ai donc pris mon propre nom et ajouté les lettres “bri” pour former le prénom “Gabriel”. Le prénom de “Gabi” était apparu.
Gaël Faye a expliqué, suite à la question “Avez-vous un lieu de travail particulier?”, qu’il avait uniquement besoin de quatre murs. Quatre murs seulement pour pouvoir s’immerger dans son histoire, dans son monde, dans son imagination, dans ses souvenirs. Durant la création de son roman Petit Pays, Gael Faye a loué un local dans une zone industrielle, qu’il s’est approprié: “Je m’y sentais comme chez moi”. Il ajoute : “c’est dans l’ennui que je trouve la créativité”. Et il résume l’écriture en ces termes : ” Ecrire, c’est comme un robinet qui coule.”
Un citoyen du monde
Lorsqu’un élève lui a demandé comment s’était passé son arrivée en France, il répondit : ” ce fut difficile pour moi, je ne me suis pas senti bien accueilli.” Il raconta alors qu’à son arrivée au collège, le directeur l’a emmené dans la classe et a dit aux élèves : “Voici Gaël, il a fui l’Afrique, Gaël, va t’asseoir là-bas”. Le directeur a juste dit qu’il avait fui l’Afrique, il n’a pas cherché à préciser le pays duquel il venait, d’expliquer à ses camarades pourquoi il était là, etc…
Gaël Faye ne se sent pas 50% africain ni 50% français, ou ne s’incline pas vers une culture ou l’autre. Il ne connaît pas de frontières, et se considère comme “de tout en un seul”. “Pour moi, j’appartiens à tout. Les identités sont des fusions.”
Cette rencontre avec un personnage hors du commun a profondément inspiré les élèves de seconde. Elle leur a par ailleurs permis d’en apprendre encore plus sur son histoire et celle de son pays. C’est sûr qu’après un exposé aussi instructif et divertissant, les élèves de Seconde du LFNY ont rejoint le fan-club de Gaël Faye.
— Par les élèves de seconde du groupe Pizan
About the Author :
Mathieu Cladidier est originaire de la région Lorraine et né à Nancy. Il a suivi des études de Littérature moderne et comparée à l’université Nancy 2 jusqu’au Master, puis a passé le CAPES de Lettres modernes en 2001 et est devenu professeur la même année. Après une première expérience à l’étranger en Suède à Stockholm en 2011, il rejoint les États-Unis en 2012 pour enseigner à l’École Bilingue de Berkeley en Californie où il prend le rôle nouvellement créé de coordinateur du programme français. En 2016, il enseigne au Lycée Condorcet de Sydney en Australie tout en étant en charge de l’accueil des élèves allophones. Il rejoint le Lycée en 2018. Mathieu s’intéresse à l’enseignement du français langue étrangère, à l’apport des nouvelles technologies dans l’enseignement des lettres et l’acquisition du langage, ainsi qu’aux neurosciences dans un contexte bilingue.