Le baccalauréat, vénérable institution napoléonienne de plus de deux cents ans va donc connaître des changements importants qui eux-mêmes auront un impact sur la façon dont s’organisent les lycées en France et donc notre établissement à compter de la session 2021. C’est donc avec l’ambition de repenser un baccalauréat comme un “tremplin vers le supérieur” et de rationaliser son organisation que le ministre de l’Education Nationale Jean-Michel Blanquer vient de rendre ses premiers arbitrages. Les élèves des promotions 2019 et 2020 ne seront pas affectés par cette réforme.
Bien que nombre de ces réformes sont toujours à l’état d’ébauche, nous avons posé quelques questions au sujet du nouveau bac à Nicolas L’Hotellier, Proviseur adjoint et Directeur du Secondaire.
Pourquoi le Gouvernement français a-t-il initié cette réforme?
Initialement conçu non comme une certification de la fin du secondaire comme peut l’être l’International Baccalaureate — à ne pas confondre avec le baccalauréat OIB que nous proposons) ou le General Certificate of Secondary Education (GCSE) ou même les A levels — le baccalauréat français a été créé comme le premier grade universitaire donnant le droit à la poursuite d’études dans le supérieur. Cependant à la faveur de la massification de l’accès aux études supérieures et en raison de la toujours plus grande complexité des établissements scolaires et du nombre croissant des disciplines proposées, l’examen autour duquel est largement organisé le lycée a peu à peu perdu de sa cohérence en même temps qu’il posait des problèmes structurels de plus en plus importants.
Qu’est ce qui va changer dans la structure de l’examen?
La première innovation vient de la redéfinition des épreuves finales et de manière tout aussi profonde de leur calendrier.
En effet, à compter de la session 2021, ce sont désormais quatre épreuves que les élèves auront à passer en classe de terminale, deux au titre de spécialité au retour des vacances de printemps, puis au mois de juin une épreuve de philosophie et une nouvelle épreuve orale qui sera passée devant un jury de trois professeurs.
À ces épreuves terminales, s’ajoutera en classe de première une épreuve de français (une épreuve écrite et un oral comme c’est le cas aujourd’hui dont on annonce cependant et sans plus de détails des contours modifiés).
À titre de comparaison, nos élèves de terminale passent selon les filières et le type de baccalauréat de 10 à 12 épreuves et cela sans compter les épreuves facultatives principalement dans une période qui s’échelonne sur deux semaines entre la fin du mois de mai et le début du mois de juin.
Il va y avoir aussi du changement du côté de la manière dont est notée l’épreuve?
Oui et cela constitue une véritable rupture par rapport à la tradition. À ces épreuves terminales qui compteront pour 60% de la note finale, s’ajoutera une dose de “contrôle continu”.
Encore faut-il comprendre ce que recouvre ici le terme de contrôle continu. En effet d’après les premières annonces ministérielles, ce contrôle continu serait organisé selon des principes qui rappellent ceux des partiels à la faculté ou des compositions que le Lycée Français de New York a connu jusqu’en 2010. Ces épreuves communes dont la responsabilité relèverait des établissements pourraient avoir lieu en janvier et avril de l’année de première, puis en décembre de l’année de terminale. Enfin, “les bulletins scolaires (seraient) pris en compte pour une part limitée (10 %) de la note finale afin de valoriser la régularité du travail de l’élève” selon des modalités qui ne sont pas encore précisées.
On perçoit bien l’impact que pourraient avoir ces mesures notamment en terme de calendrier ou de modalités des examens. Des examens finaux moins nombreux sur un calendrier moins resserré, une plus grande place laissée aux choix exprimés par les élèves et l’introduction d’une forme de contrôle continu qui pourrait donner lieu à des périodes d’examens au cours de l’année certes moins lourdes mais également plus nombreuses.
Et qu’adviendra-t-il des filières L, ES et S?
Ces modifications importantes s’accompagneront d’une réforme en profondeur de l’organisation du lycée. Un des axes les plus importants de cette réforme est la suppression des filières L, ES et S pour ne parler que des filières générales au profit d’une nouvelle articulation entre les disciplines.
Les enseignements seront ainsi réorganisés en deux catégories:
un socle de culture commune (le français, la philosophie, l’histoire-géographie, l’EPS, les langues vivantes 1 et 2…)
un socle des disciplines de spécialités (arts, histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques, mathématiques, sciences de la vie et de la terre,…). Parmi ces dernières, les élèves auront à choisir pour trois d’entre elles en classe de 1ère puis seulement deux en classe de terminale selon un menu qui sera décidé dans une certaine mesure à l’échelle de chaque établissement.
Comment le Lycée décidera-t-il des disciplines qu’il compte proposer?
Outre le flou relatif qui entoure encore les modalités de la prise en compte du contrôle continu évoqué précédemment, on pense d’abord aux nouvelles disciplines proposées comme celle de la spécialité humanités, littérature et philosophie qui vient s’ajouter à l’enseignement obligatoire de philosophie ou celle des humanités scientifiques et numériques qui sera proposée à tous les élèves dans le cadre du socle commun obligatoire. Les nouveaux programmes présentés en décembre 2018 viendront en préciser les contenus et seront sans nul doute un élément primordial des choix que le Lycée sera amené à faire en termes d’offre éducative.
Sur ces choix justement, s’il est clairement impossible pour un établissement de proposer l’ensemble des combinaisons possibles d’enseignements de spécialité, on peine encore à distinguer les combinaisons qui seront disponibles, les principes d’organisation qu’elles mettront en jeu et la marge d’autonomie qui sera laissée aux établissements.
Qu’adviendra-t-il des programmes biculturels et binationaux que sont les baccalauréats franco-américains et l’option internationale du baccalauréat?
Une rapide mention est certes faite su “la logique de certification (qui aurait) vocation à se développer, en direction d’abord des élèves qui suivent des cursus à dimension internationale” mais sans grande précision à ce stade.
Cependant, quel que soit le cadre et les contraintes qui seront fixés, il est probable que cette réforme nous donnera des marges de liberté nouvelles que notre établissement entend bien explorer pour continuer à affirmer notre singularité, notre identité double et notre souci d’offrir à nos élèves des enseignements les plus riches possibles et en prise avec le monde tel qu’il est.
About the Author :
Originaire d’Alsace, Nicolas L’Hotellier est proviseur adjoint du Lycée depuis 2009. Après avoir obtenu une maîtrise en mathématiques et le CAPES, il a enseigné cinq ans dans un collège avant d’occuper le poste de proviseur adjoint dans deux établissements distincts. Depuis 2008, il est titulaire d’un master en direction des établissements d’enseignement publics. Il aime encourager chez les élèves la curiosité et le respect des autres. Nicolas est marié et papa de deux garçons.