Entretien avec Dany Laferrière

 

A l’occasion de la visite de l’écrivain Dany Laferrière, les classes de 1ère ont eu la chance de lui poser dans l’auditorium maintes questions sur sa vie en tant qu’écrivain, mais également en tant que personne. Cinq élèves sur scène lui ont posé tour à tour des questions plus ou moins pertinentes auxquelles souvent, il répondait de façon très large : “Je ne sais pas”, voilà le début de nombreuses de ses réponses, suivi toutefois d’une argumentation pertinente.

Être écrivain, pour Dany Laferrière, ce n’est pas un métier, c’est une vocation, c’est le pouvoir des mots qui perdurent même au delà de la mort : le trépas n’empêche pas un écrivain de parler, puisque le livre est immortel.

Comment lui viennent alors ces milliers de mots qui constituent ses quelques livres ? Au commencement, il faut avoir dans sa poche “le désir et un secret”. Mais écrire c’est aussi se fixer des règles : rester immobile l’écriture durant, ne pas excéder les “quatre heures”, temps au delà duquel l’écriture devient difficile, le cerveau fatigue; et pour finir, adopter une certaine routine. Pour Journal d’un écrivain en pyjama, Dany Laferrière a concentré son travail entre 3h et 7h du matin. L’écrivain a-t-il des horaires de fou ? Eh bien, c’est selon l’inspiration de chacun.

“Quand sait-on que le livre est terminé et ne nécessite plus aucun changement ?” Pour Dany, il arrive un moment où le livre ne tolère plus de changements, il existe en lui-même.

Mais “Pourquoi écrire?” En effet, il existe assez de livres pour se passer d’écrire, mais pour Dany Laferrière, écrire, c’est une évasion du monde réel vers un monde révélateur. Les livres nous parlent, nous révèlent quelque chose. Contrairement à Tolstoï, Dany n’éprouve aucun regret quant à son écriture, il ne se considère pas comme un assez grand écrivain.

Il a ensuite beaucoup parlé, de manière plutôt philosophique, sur la différence, l’opposition entre le jour et la nuit, et leurs importances respectives et réciproques. Thales disait : “la nuit est en avance d’un jour.” Pour Dany Laferrière, la vraie nuit, c’est “celle que Virgile a dû voir.” On entre ainsi en connexion avec l’intemporel. “Mais la nuit sert aussi à écrire grâce au silence”, ajoute-il. Selon lui, ça fait bien longtemps qu’on a perdu la nuit, à cause de l’influence des grandes villes, et les femmes sont les premières à l’avoir perdue : elles y sont plus en danger que le jour, ce qui crée le paradoxe des grandes villes sans nuit mais qui permettent aux femmes de la retrouver, cette nuit.

Pour Dany Laferrière  :“Il faut s’entraîner à lire. La littérature, c’est comme un entraînement — il faut lire, comme un athlète s’entraîne.” Et il ne faut pas perdre le temps de lire, il faut le prendre, car pour certains livres, certains auteurs comme Dostoïevski et Proust, selon lui, ce sera peut être trop tard, ce sera plus difficile, à l’âge adulte.

Enfin, pour les futurs/actuels lecteurs et/ou écrivains, quelques conseils de la part de l’auteur :

  • Faire attention aux blogs, à l’écriture dite “technologique”, sur internet : ce sont des espaces où l’opinion précède la réflexion.
  • Bien réfléchir, ne pas systématiquement vouloir être de sa propre époque ni de sa génération, en tentant de s’y enfoncer, de s’y enfermer. Un recul est en effet nécessaire et fera du bien. “Cela apportera un peu de silence à une époque bruyante.”, dit-il.
  • Manier avec précaution son désir d’originalité, parfois contre-productif.
  • Rentrer en soi pour voir ce qui nous intéresse vraiment.
  • Et faire silence — en ouvrant un livre !!!

Merci Dany pour cette conférence !

Melchior D., 1ère L et Solal Q., 1 ère S 1

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