La physique au centre de la biologie

 

Le 6 décembre dernier, les lycéens de seconde et de première S ont assisté à une présentation d’Ibrahim Cissé, un scientifique Nigérien travaillant au Massachusetts Institute of Technology. Son intervention nous a fait comprendre à quel point la physique est fondamentalement liée à la biologie.

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Ibrahim Cissé au LFNY, le 6 décembre 2013.

Pour nous exposer ses arguments, il nous a présenté ses travaux de recherche sur la physique du désordre, sur la “fermeture éclair” de l’ADN et la dynamique de ses ouvertures et fermetures et enfin sur l’ARN polymérase II. Mises à part ces explications passionnantes, Ibrahim Cissé a voulu nous faire comprendre que si l’on souhaite quelque chose, on peut toujours l’obtenir. En effet, son parcours est impressionnant; il représente une source d’inspiration pour des lycéens, particulièrement ceux du LFNY.

Du Niger à la Caroline du Nord

Cissé est né au Niger. Il a donc été scolarisé dans un système d’inspiration française. Dès la quatrième, il décide de passer le diplôme national du brevet. Encouragé par son entourage, il travaille indépendamment et réussit à obtenir une mention. Enhardi par son succès, Cissé tente même dès la première de passer le baccalauréat. Une fois de plus, famille, amis et professeurs le poussent à passer cette épreuve. Il remporte son diplôme avec succès. Il décide ensuite de déménager seul aux Etats-Unis, en Caroline du Nord, où Cissé va apprendre l’anglais jusqu’à devenir parfaitement bilingue.

Quelques années plus tard, après avoir obtenu un diplôme de physique de l’université de Caroline du Nord, il rentre à l’université en Illinois, où il passe une thèse de physique. Il continue son parcours en rejoignant la France, à l’Ecole Normale Supérieure où il poursuit un post-doc en physique et en biologie. Il décide de retourner aux Etats-Unis et devient chercheur en biologie au Howard Hughes Medical Institute (HHMI). Tout récemment, Ibrahim Cissé vient a été nommé Professeur et Directeur de Recherches au prestigieux MIT, où il se consacre, avec une équipe de  dédiée, à la recherche de l’interface entre la physique et la biologie.

Extraordinaire flexibilité

Ce parcours pour le moins singulier est impressionnant car il souligne l’extraordinaire flexibilité de Cissé. L’alternance entre les systèmes d’éducation français et américains n’est certainement pas surprenante aux yeux des élèves du lycée. La plupart d’entre nous ont en effet changé d’écoles, de villes, et même souvent de pays plusieurs fois déjà au cours de notre vie. Même ceux qui n’ont jamais quitté le Lycée bénéficient d’une identité et d’une éducation bilingue.

Cissé impressionne néanmoins car il est la preuve que si nous osons aller chercher les connaissances qui nous intéressent, que ce soit dans les niveaux supérieures, dans des pays étrangers ou dans des disciplines différentes, en restant curieux et ouvert d’esprit, nous pouvons être sûrs que nous trouverons du soutien autour de nous. Les gens aiment aider les téméraires…

L’atout de l’interdisciplinarité

L’intérêt d’Ibrahim Cissé pour deux sciences, la biologie et la physique, le singularise des autres chercheurs. Il valorise beaucoup cette complémentarité, qui permet un regard sinon plus pertinent, pour le moins plus critique, dans ses recherches. En effet, il encourage les élèves cherchant à rejoindre son équipe de recherche à entreprendre des études interdisciplinaires pour qu’eux aussi bénéficient d’une vision plus globale de la science. Cissé anticipe également une augmentation des doctorats et programmes de recherche interdisciplinaires.

Ibrahim Cissé a choisi de lier étroitement physique et biologie dans ses recherches. Il a tout d’abord étudié l’état de désordre d’objets et leurs organisations. Pour cela, il a étudié l’organisation des bonbons M&Ms au sein d’une enceinte. Il a trouvé que les M&Ms ont chacun 10 contacts avec d’autres M&Ms lorsqu’ils sont disposés aléatoirement dans le pot. En comparaison, des sphères parfaites posées aléatoirement forment uniquement 6 contacts, soit une efficacité de 64% et, de manière surprenante, des sphères rangées par l’homme forment au maximum 12 contacts, soit une efficacité de 74%. On s’est donc aperçus que les M&Ms ont une forme qui est assez efficace pour remplir des pots, et que c’est comparable à des sphères.

Harry Potter

Il a ensuite étudié la dynamique d’ouverture et de fermeture de la double hélice de l’ADN après nous avoir rappelé le rôle de l’ADN, de l’ARN et des protéines. Lors de cette parenthèse, il nous a expliqué les passerelles entre ces composés en les comparant respectivement à la bibliothèque d’Harry Potter, un livre de cette bibliothèque, et le savoir que l’on acquiert en lisant le livre.

Sa recherche dans ce domaine a consisté à marquer chacun des deux brins de l’ADN avec des marqueurs fluorescents différents pour ensuite en stimuler un au laser et étudier les rapprochement et les éloignement avec l’autre, au cours du temps. Il nous a ensuite appris que les cellules vivantes font partie des choses les moins connues en sciences. Enfin il abordé le rôle de l’ARN polymérase II dans les cellules. En effet, à ce jour, les études sur ce complexe enzymatique n’ont été faite qu’en dehors de cellules vivantes, donnant la possibilité de tester expérimentalement les théories sur son comportement.

Un avenir pour les jeunes créatifs

Certaines de ces expériences lui ont permis de comprendre les limites de la médecine et d’entrevoir les avancées à venir. En effet, en exposant son travail sur l’ADN, Cissé nous a expliqué, en maniant les images d’Harry Potter, que la médecine peut aujourd’hui guérir au niveau des protéines des maladies comme celle de la vache folle ou la maladie d’Alzheimer mais ne parvient toujours pas à accéder à l’ARN, ce qui soignerait du SIDA, ou à l’ADN, ce qui permettrait de traiter la trisomie 21 ou la drépanocytose. Il a même envisagé qu’un jour ces “super drogues” existeront. Cette parenthèse lui a permis de nous montrer à quel point le domaine de la recherche scientifique offre des opportunités aux jeunes créatifs.

En partant, Ibrahim Cissé nous laissé beaucoup à méditer. Non seulement sur la physique et la biologie, mais également sur la direction que nous souhaitons donner à notre vie. Ses quelques conseils aux lycéens paraissent très utiles. Les voici : “Lisez la revue Science. Vous ne comprendrez pas tout des la première fois. Mais, plus vous lirez, mieux vous comprendrez, et par conséquent, plus vous retiendrez” (“Read Science Magazine. At first, you will not understand all of it. You will only understand parts of it, but enough to keep you going. But then, the more you read it, the more you will understand, and eventually the more you will remember”)

Faire avancer la connaissance du monde

Ce conseil simple nous encourage à pousser la porte de l’univers des sciences, et propose une bonne initiation au monde passionnant de la recherche scientifique. Dans ces années charnières, être exposés à ce genre de publications peut nous permettre de mieux nous orienter dans notre parcours, en connaissant toutes les options qui s’offrent à nous dans le vaste domaine des sciences.

“Il arrive que des scientifiques aient fait une hypothèse logique à propos de quelque chose qu’ils n’étaient pas en mesure d’observer, seulement pour découvrir, une fois la barrière technologique surmontée, que leurs idées étaient faussent. La question devient alors de formuler de nouvelles hypothèses auxquelles pourront se consacrer les prochaines générations. Vous êtes la génération future, et vous contribuerez à la science.” (“It sometimes happens that scientists made a logical assumption about something they could not study with basic tools, and discovered, once technology allowed it, that the reality was very different from the expectation. This allows scientists to make new hypotheses which can be left for the next generations to investigate. You are the next generation, you will contribute to science.”)

Cissé nous rappelle que la science telle que nous étudions à l’école est déjà bien définie, mais que les limites de la connaissance scientifique sont encore inconnues, et que chaque jour, à chaque explication donnée, un nouveau mystère est dévoilé. Nous avons donc un rôle à jouer pour faire avancer la connaissance du monde.


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