La “Génération E”

 


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En club de robotique, les élèves apprennent à construire puis à commander leur robot à l’aide d’un logiciel simple de programmation.

Avez-vous entendu parler de la “Génération C” ? Succédant à la “Génération Y” les enfants et adolescents d’aujourd’hui doivent apprendre à Communiquer, Collaborer, Créer, Contempler, et faire preuve d’esprit Critique.

En ce qui me concerne, je préfère parler de “Génération e”: e comme électronique mais aussi et surtout e comme écrans.

Les enfants d’aujourd’hui utilisent des iPads avant de savoir parler, savent twitter avant de savoir écrire et ont un profil Facebook avant la puberté. Évidemment l’école ne peut plus ignorer cet état de fait ; d’ailleurs de nombreux professeurs se servent aujourd’hui de ces nouveaux outils numériques pour le plus grand bonheur de leurs élèves.

L’école 2.0, crainte et plébiscitée

Cependant si elle est plébiscitée par tous les élèves, par de nombreux éducateurs et par notre ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon, l’école 2.0 est aussi décriée par de nombreux parents qui craignent d’éventuelles conséquences négatives d’un usage sauvage des technologies numériques. Au Lycée, ce thème est évidemment plus que jamais au centre de nos réflexions et de nos discussions.

La récent petit-déjeuner thématique organisé par l’association des parents, l’APL, avec Sean Lynch et l’équipe pédagogique de l’établissement à propos de l’utilisation des nouvelles technologies au Lycée a bien illustré ces points de vue au sein de notre communauté. D’un côté l’évidence de faire entrer des technologies déjà utilisées par les élèves en dehors de ses murs à l’école, de l’autre le désir d’en savoir plus sur les conséquences de l’utilisation du numérique sur le développement cognitif, psychologique et émotionnel des enfants.

Des élèves de primaire apprennent à coder lors de la semaine du code, le 9 décembre 2013.

Pour notre part, l’école reste persuadée que la question désormais n’est plus de savoir si oui ou non il est judicieux d’entrer dans l’école du numérique mais plutôt comment utiliser ces nouveaux outils et les transformer en vecteurs d’apprentissages pour nos élèves.

Fort heureusement, aujourd’hui de nombreux outils sont disponibles pour nous soutenir dans cet effort:

Aux Etats-Unis, une ressource particulièrement utile que je recommande souvent à de nombreux parents ou enseignants est le bien nommé site Common Sense Media. Du choix des meilleures applications éducatives jusqu’à celui des films adaptés à l’âge de nos petits téléspectateurs, cette organisation à but non lucratif a pour mission d’informer, de guider, de conseiller et de donner une voix à tous les éducateurs, professeurs et parents, qui se lancent dans l’aventure éducative des médias, du numérique et des nouvelles technologies.

En France, le ministère de l’éducation nationale a déployé de nombreuses ressources et services à l’attention des enseignants et des élèves bien sûr mais aussi à celle des parents pour faire entrer l’école dans l’ère du numérique. À ces efforts du ministère, s’ajoutent ceux de nombreux chercheurs qui se sont penchés sur la question et qui ont permis à certaines initiatives éducatives de grande valeur de voir le jour.

Notre mission : apprendre, guider, prévenir et diriger

Parmi ceux-ci, je recommande les travaux du docteur en psychologie, psychiatre et psychanalyste, Serge Tisseron auteur de nombreux ouvrages sur le thème des technologies numériques et notamment sur celui des écrans et de la fascination qu’ils induisent chez les jeunes. Ayant participé à la rédaction de l’avis de l’Académie des Sciences “L’enfant et les écrans” (2013) ce chercheur propose à tous les éducateurs désorientés que nous sommes une règle simple et très claire: celle du “3-6-9-12” (voir le poste de Sean Lynch à ce sujet).

Ce cadre donne des repères applicables établis en fonction de la maturité cognitive et émotionnelle des enfants à différents moments-clé de leur développement:

Pas d’écrans avant 3 ans

Au moment où les notions d’espace et de temps se construisent et où immerger l’enfant dans un monde virtuel dans lequel la possibilité d’une reversibilité ne permet pas l’acceptation de la temporalité, un âge où le rapport au temps et à l’espace passe par le corps et à son rapport au réel, un âge où toutes les possibilités sensorielles et manuelles des enfants doivent être engagées pour leur permettre de construire des repères corporels et temporels propres, ces constructions indispensables au développement ultérieur d’un mode de relation satisfaisant au virtuel…

Pas de console de jeu personnelle avant 6 ans

Période pendant laquelle l’enfant doit être confronté aux règles du jeu social, à un âge où il explore et affine la communication orale dans son rapport à l’autre et où le jeu solitaire risque de devenir répétitif et stéréotypé.

Internet après 9 ans

Au moment où l’enfant a besoin d’explorer la complexité du monde et où il est temps de préparer le futur “internaute” aux particularités de la toile (tout ce que l’on y met peut tomber dans le domaine public et y restera, tout ce qui s’y trouve doit être questionné).

Les réseaux sociaux après 12 ans

Période d’affranchissement des repères familiaux, favorable à la construction de l’autonomie (tout en maintenant un cadre et certaines limites).

Pour les enseignants de l’école élémentaire, je citerais également une autre initiative intéressante “les écrans, le cerveau et… l’enfant”. Ce projet thématique pluridisciplinaire de la fondation La Main à la Pâte permet de comprendre et d’analyser, grâce à la démarche scientifique, la fascination créée par les écrans. Ce module pédagogique regroupe tout un ensemble de fiches pédagogiques, de supports multimédias, une bibliographie ainsi qu’un guide à l’attention du professeur pour des séances en classe visant à renforcer chez les enfants un usage raisonné et raisonnable des nouvelles technologies en termes de santé et de civisme.

Vos enfants, nos élèves sont très à l’aise dans leur vie numérique. Ils y sont nés et ils ne s’y sentent pas invités comme la plupart de leurs aînés, moi la première. En terre numérique, oui, ce sont eux les natifs, oui nous parents, professeurs, éducateurs  sommes des expatriés.

Utilisation d’iPads en classe d’italien.

Cependant être à l’aise ne signifie pas être à l’abri de certaines impasses, cela ne garantit pas une immunité par rapport à tous les écueils possibles liés à un usage mal contrôlé et déséquilibré du numérique. Voilà pourquoi en terre éducation nous restons les experts et reconnaissons là notre rôle: apprendre, guider, prévenir, diriger.

En conclusion notre approche en matière de nouvelles technologies peut se résumer en quelques mots: ni diabolisation, ni fascination mais un accompagnement équilibré basé sur de solides informations issues de la recherche sur le développement de l’enfant ainsi que sur l’impact de son interaction avec les nouveaux médias.

En lire plus sur ce sujet:

Using Technology to Enrich Learning, d’Adena Dershowitz, directrice des apprentissages numériques

3-6-9-12, de Sean Lynch, proviseur du Lycée Français de New York


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