Prospectus à la mise en page léchée, présentation powerpoint comprenant statistiques et cartes précises, voire même port de la cravate pour l’un des participants… nous ne sommes pas à une réunion d’un conseil d’administration, mais bel et bien dans un cours de 1ère un peu particulier.
Après trois semaines d’étude et de préparation, les onze élèves de ce cours de géographie sont légèrement tendus et pour cause, ils vont passer, par groupe de trois, devant un jury de professeurs et employés du Lycée présenter à l’oral un projet d’aménagement du territoire, un sujet qui fait partie du programme du bac. Bien entendu tout cela n’est qu’un exercice, mais un exercice qui vise à simuler les conditions du réel.
Un groupe d’élèves de 1ère présente son projet d’aménagement du territoire face à un jury d’enseignants du LFNY, dans un cours de géographie en octobre 2014.
“Les divisions territoriales, les regroupements de communes et les territoires de projets sont des notions qui font partie du programme de géographie en 1ère, mais qui sont très abstraites pour des élèves vivant aux États-Unis”, explique Florent Lacroix, professeur d’histoire-géographie au Lycée Français de New York. Ces concepts d’aménagements du territoire sont en effet en usage en France, mais sont peu transposables dans la géographie américaine. “En tant que professeur, je n’étais pas tenté par l’idée de faire un cours magistral sur un sujet qui n’accroche pas chez les élèves, alors avec ma collègue Émilie Lauzy, nous avons décidé faire de la pédagogie active.”
Pédagogie active
La pédagogie active n’est nullement révolutionnaire. Dès le début du XXème siècle, le pédagogue suisse Adolphe Ferrière affirmait: “Les acquisitions ne se font pas comme l’on croit parfois, par l’étude des règles et des lois, mais par l’expérience. Étudier d’abord ces règles et ces lois, en français, en art, en mathématiques, en sciences, c’est placer la charrue devant les bœufs.” Cette idée selon laquelle c’est en faisant que l’on apprend est au coeur de la pédagogie active, appelée en anglais Project-Based Learning.
Le project-based learning encourage les élèves à travailler en groupe et à apprendre des compétences des uns et des autres. “Un élève très scolaire pourra développer sa créativité et sa prise d’initiative par exemple”, explique Florent Lacroix.
Transposer les apprentissages dans le monde réel est une méthode déjà largement utilisée au LFNY. La main à la pâte, une approche d’enseignement des sciences dans le primaire fondée sur l’investigation, en est un exemple. Dans le secondaire, les itinéraires de découvertes (IDD) et les travaux pratiques encadrés (TPE) de 1ère visent à décloisonner l’enseignement et amener les élèves au croisement des disciplines ainsi que le travail de groupe.
Retour dans la classe de géographie, où les élèves proposent, chiffres et arguments à l’appui, d’ouvrir un orphelinat dans la banlieue parisienne pour redynamiser l’économie locale. Le groupe suivant veut, lui, convaincre de la nécessité d’ouvrir un parc aquatique dans une zone sinistrée de Bretagne nord afin de développer le tourisme centré sur le développement durable.
Sortir de la salle de classe: une motivation pour apprendre
Plus que le projet final, ce qui compte dans cette approche project-based learning, c’est le processus, explique Heather Wolpert-Gawron, enseignante au niveau collège à Los Angeles et passionnée par le sujet. “Le project-based learning vise à apprendre plusieurs sujets simultanément. Nous aidons les élèves à identifier un véritable problème (qu’il soit local ou mondial) et d’y apporter une solution. Pour cela, ils doivent présenter des arguments pour étayer leur approche, en utilisant des outils multimédia. Les élèves développent leurs apprentissages au fil de leur projet, en se référant aux cours, en travaillant en groupe, en s’évaluant les uns les autres.”
Trouver des liens avec le monde extérieur pendant les cours est incroyablement motivant pour les élèves. Sylvain Pappalardo, lui aussi professeur d’histoire-géographie au LFNY, en a fait l’expérience lorsqu’il a décidé d’aborder l’étude de la mondialisation par le prisme d’une entreprise multinationale: L’Oréal. Avec ses collègues Carine Gibert et Florent Lacroix, il a emmené tous les 4èmes au siège social de l’entreprise à New York qui ont pu faire l’expérience d’une explication détaillée des acteurs et des stratégies de la firme transnationale.
“Les élèves aiment sortir de la classe, c’est plus concret pour eux de partir à la rencontre d’acteurs qui leur parlent de leur métier, de comprendre ce qu’est un siège social”, explique Sylvain Pappalardo, qui estime que ses élèves ont, de ce fait, mieux saisi les concepts de la mondialisation que si ils les avaient étudié à travers une étude de cas classique en classe à partir de documents. Mais attention, le projet ne se substitue pas à la leçon, il le complète: “il permet de donner un aspect plus concret à des idées plus abstraites”, souligne l’enseignante en histoire-géographie Émilie Lauzy, “c’est aussi plus intéressant pour le professeur, qui sort du cadre répétitif du cours magistral pour endosser un rôle de guide et de conseiller”, ajoute-elle.
Rendre l’élève artisan de son propre savoir, décloisonner les disciplines, faire tomber les murs entre les salles de classe et le monde réel, autant de perspectives hautement réjouissantes pour le proviseur du LFNY. “Cette approche du project-based learning est l’une des priorités stratégiques de l’établissement car elle reflète la façon dont fonctionne le monde actuel, un monde auquel nous devons préparer nos élèves”, conclut Sean Lynch.
Vidéo de Pascal Kerbel.
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Former journalist, Cecile is passionate about multimedia storytelling. With her camera, notepad and microphone, she enjoys telling the great stories that are happening at the Lycée. Cecile was formerly senior communications manager at the school.