Faut-il parler aux élèves du financement de leurs études universitaires alors qu’ils sont qu’au collège ?

 

Le 23 janvier, Ron Lieber, écrivain et chroniqueur pour la rubrique « My Money » du New York Times consacrée aux questions d’argent, a publié un article dans ce journal intitulé « High School Grades Could Be Worth $100,000. Time to Tell Your Child?» (« Les résultats scolaires des lycéens pourraient valoir 100 000 $. Est-ce le moment d’en parler à votre enfant ? »), dans lequel il soutient que a) le système actuel d’aides à l’enseignement supérieur récompense les bonnes notes par des bourses d’études, et b) les parents devraient commencer à parler de ces bourses à leurs enfants dès la quatrième. 

Depuis la publication de l’article de M. Lieber, nous avons réfléchi et discuté ensemble du moment opportun pour commencer à parler aux enfants des implications financières d’une formation universitaire. Bien que nous soyons toutes les deux d’accord sur le fait qu’il faut encourager les familles à faire preuve de transparence avec leurs enfants au sujet du coût des études supérieures, nous n’avons pas un avis aussi tranché que M. Lieber, ni sur le moment où ces conversations doivent avoir lieu ni sur le ton qu’elles doivent prendre. 

En effet, de notre point de vue, le collège n’est pas le moment opportun pour présenter les résultats scolaires comme un moyen d’obtenir de l’argent pour aller à l’université, surtout cette année. 

Le collège est un temps nécessaire pendant lequel les situations d’échecs relatives sont possibles et peuvent aider les élèves à acquérir de précieuses capacités d’adaptation. La pression exercée par les bourses au mérite est en conflit direct avec cette idée. Au collège, les élèves sont à une étape cruciale de leur vie où ils découvrent leurs propres centres d’intérêt et développent leur estime de soi, et nous devons accompagner dans ce cheminement. 

De nombreux collégiens n’ont pas encore les capacités neurologiques nécessaires pour maîtriser les compétences d’autogestion et de gestion de projets requises pour maintenir de manière autonome des résultats scolaires satisfaisants. Faire monter la pression a peu de chance d’améliorer leur performance, mais risque plutôt d’augmenter leur niveau de stress. De plus, lorsque les élèves pensent que les enjeux liés à leurs résultats sont trop grands, ils sont plus susceptibles d’essayer d’obtenir de bonnes notes à tout prix, c’est-à-dire en sacrifiant leur santé et leur bien-être, voire en trichant. 

Étant donné les nombreuses crises qui s’entrecroisent actuellement, tous les élèves, et en particulier les adolescents, sont confrontés à des difficultés liées à l’isolement social, au manque de perspectives d’avenir et à la perte des rituels et des traditions. Ils sont également conscients des conséquences financières de la pandémie, tant à l’échelle mondiale que locale, ce qui vient ajouter un niveau supplémentaire d’incertitude. 

L’important en ce moment est de nous concentrer sur notre bien-être collectif, de célébrer les petits bonheurs, de prendre conscience de ce que nous avons perdu et d’être reconnaissants de ce que nous avons. Il faut garder à l’esprit que les collégiens sont encore des enfants. Ils doivent pouvoir vivre leurs passions sans s’inquiéter de recevoir ou non une récompense, ils ont besoin de passer du temps à « ne rien faire » (pendant qu’en réalité leur cerveau travaille beaucoup !) et ils doivent pouvoir profiter de leur enfance.

Le processus d’admission en université est déjà assez stressant pour les lycéens. Présenter toute sa complexité à des enfants de 13 ou 14 ans pourrait avoir des effets indésirables.

Denise Pope, maîtresse de conférences à la Stanford Graduate School of Education, explique ainsi : «certains de ces enfants pensent à leur entrée à l’université depuis la sixième ou la cinquième, parfois même avant. Lorsqu’ils subissent autant de stress sur une période aussi longue, cela est préoccupant.»

Mais alors, quel est le bon moment pour avoir cette conversation et quelle est la bonne manière de l’aborder ? Voici ce que nous vous conseillons :

  • Introduisez les coûts liés à l’enseignement supérieur dans le cadre de discussions plus larges autour de l’éducation financière. Profitez de situations spontanées de la vie de tous les jours pour expliquer comment les familles planifient et gèrent leur argent. 
  • En seconde, c’est-à-dire en première année de lycée, les choses se concrétisent. Il est important que vous ayez à ce moment-là des conversations honnêtes avec votre enfant sur les coûts liés à une formation universitaire. 
  • N’hésitez pas à tirer parti des activités pédagogiques organisées par le Lycée pour présenter le large choix d’universités existant à travers le monde ; certains de ces établissements sont bien moins chers que les universités et écoles d’enseignement supérieur américaines. De nombreuses très bonnes options (plus de 3 000) existent pour tous les budgets, et certaines proposent même des possibilités de réduction des frais d’admission. 
  • Les lycéens et leur famille reçoivent chaque semaine une newsletter du College Counselling Office avec des informations à jour et présentant différents programmes.

Et comme le souligne Denise Pope, malgré tous les obstacles à surmonter, « il existe une université pour chaque élève qui souhaite aller à l’université ». Nous sommes fermement convaincus que laisser aux jeunes adolescents le temps de grandir émotionnellement et intellectuellement contribue à les préparer au processus d’admission en université et aux conversations cruciales qu’ils auront alors avec leurs parents sur les coûts liés à une formation universitaire. 

Il ne faut pas se précipiter au mépris de la santé mentale des enfants : le prix à payer en serait trop élevé.

 


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