Un camp d’été autour du slam

 

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Les élèves du LFNY et du French Heritage, lors de leur visite des graffitis à Bushwick.

20 élèves du Lycée Français et du programme French Heritage se sont retrouvés du 30 juin au 3 juillet 2014 lors d’un camp d’été un peu particulier. L’espace d’une semaine, le Lycée est devenu un lieu de sensibilisation à la culture du slam et à l’art des graffitis. Les élèves du French Heritage, qui représentaient la majeure partie du groupe, sont des immigrants récemment arrivés à New York et provenant de pays francophones, surtout d’Afrique de l’ouest et d’Haïti.

À travers ce camp, ces jeunes de 15 à 19 ans ont non seulement eu l’occasion de pratiquer le français, une langue qu’ils n’ont plus l’occasion de parler dans leur nouvel univers anglophone, mais ont également tissé des liens avec des immigrés de leur âge et qui leur ressemblent. “Ces jeunes sont demandeurs de pratiquer le français, car cela leur permet notamment de rester en contact avec leur pays d’origine, où cette langue est parlée par leur famille”, explique Benoît Le Dévédec, coordinateur du programme French Heritage.

Laisser s’exprimer ses émotions, qu’importe la langue

Cette colonie de vacances, qui s’étend sur deux semaines en juillet, a eu pour thème cette année le slam et les arts urbains. Une idée de la professeur de français Eléonore Sylla, venue passer un an à New York pour enseigner auprès de ces jeunes dont le français est la « langue d’héritage ». Mme Sylla, à New York dans le cadre d’une programme d’échange pour enseignants de l’éducation nationale, a tenu a avoir un fil conducteur tout au long de la semaine, autour d’un thème qui leur parle.

Si tous baignent dans la culture du hip hop et du slam, la plupart n’avait jamais osé se lancer dans cette pratique à cheval entre le rap, le théâtre et la poésie. “Le slam est plus théâtral et il n’est pas nécessaire de faire des rimes. La seule règle, c’est de laisser exprimer ses émotions”, souligne Geoffrey Jean-Baptiste, l’instructeur de l’atelier de slam et également ancien élève du Lycée Français de New York (promotion 2006).

Pour débuter leur semaine d’immersion à l’art du slam, les élèves sont allés faire un tour dans le quartier de Bushwick à Brooklyn. Entre les entrepôts, bâtiments industriels et immeubles délabrés, on est bien loin du décor de carte postale de Manhattan. Mais le quartier est en pleine évolution, à en juger par les cafés élaborés et les restaurants design qui essaiment. Accueillis par deux guides experts en graffitis, Izzy Church et Marten Kayle, les élèves ont droit à une visite du quartier à travers ses murales, de véritables œuvres d’art exposées en plein air.

S’autoriser à prendre la plume

L’expédition à Bushwick visait à montrer à quel point le graffiti peut être un art à part entière, tout en désacralisant la notion d’artiste: “que ce soit pour le graffiti ou le slam, je voulais que les jeunes puissent à un moment donné prendre un stylo, prendre la plume et se dire ‘mais moi aussi j’ai des choses à dire, moi aussi je m’autorise la poésie, et je m’autorise à être artiste'”, explique Eléonore Sylla.

Chaque matin, les élèves suivaient un atelier de slam enseigné par Geoffrey Jean-Baptiste et Marie-Hélène Brabant, professeur de théâtre du LFNY, en vue d’une représentation finale à la fin de la semaine. Pour Pacome, originaire du Burkina Faso, et l’un des participants au projet, l’étude du slam a été une découverte. “J’écrivais déjà mes chansons de hip hop, mais en anglais, je n’ai jamais eu l’idée d’écrire en français car je n’avais personne avec qui partager mes textes”, indique ce jeune de 18 ans arrivé à New York en 2011.

Déracinés et stigmatisés

Marie, 16 ans, a beaucoup apprécié l’opportunité d’être entourée de jeunes issus, comme elle, de pays francophones. Même si ils utilisent parfois l’anglais, le français reste dominant dans leurs conversations : “c’est important pour moi de conserver le français, car c’est ma langue maternelle, et toute ma famille au pays ne parle que cette langue”, explique cette jeune Guinéenne.

Parler français au travers d’activités éducatives et culturelles, c’est tout l’objectif du French Heritage. Pour le coordinateur du programme Benoît Le Dévédec, les ateliers de slam et la sensibilisation aux techniques des graffeurs avaient également pour but de redonner confiance à ces jeunes déracinés et parfois stigmatisés.


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